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La très ambitieuse couverture maladie universelle

Par Julien Wagner - Publié en mai 2017
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Depuis 2014, l'état s'est engagé dans un chantier colossal : assurer 100 % de sa population contre la maladie.
 
C’est sans doute la plus ambitieuse et la plus importante des réformes menées par le président Sall : protéger tous les Sénégalais contre les affres de la maladie. Avec à peine 20 % de personnes assurées en 2013 (des salariés, pour la plupart), la tâche s’annonçait titanesque. Presque quatre ans plus tard, « 47 % des Sénégalais sont couverts d’une façon ou d’une autre », affirme le directeur général de la CMU, Cheikh Seydi Aboubacar Mbengue. « Et notre objectif est d’atteindre les 75 % de la population dès la fin de l’année ».
 
D’un côté, la gratuité. Pour les 300 000 familles les plus pauvres du pays, soit au total près de 2,5 millions de personnes. Elles l’obtiennent à travers leur inscription à une mutuelle de santé, entièrement subventionnée par l’État. Pour l’instant, 200 000 ménages ont été enrôlés dans le programme. Et les 100 000 restants devraient l’intégrer d’ici le troisième trimestre 2017. Aux personnes de 60 ans et plus (5,5 % de la population), déjà bénéficiaires du Plan Sésame lancé par le président Abdoulaye Wade en 2006, sont venus s’ajouter les enfants de moins de 5 ans. Dans le cadre de la CMU, chacun a désormais accès à des soins gratuits dans tous les postes et centres de santé publique du pays. Depuis le 1er janvier 2014, six millions de consultations ont eu lieu. Des actes et des pathologies ont également été identifiés. En particulier la césarienne, devenue un acte gratuit dont 40 000 femmes ont déjà pu bénéficier. Enfin, 20 000 personnes handicapées ont été enrôlées gratuitement dans une mutuelle de santé.
 
De l’autre côté, l’assurance maladie à base communautaire avec des mutuelles de santé, subventionnée à hauteur de 50 % par l’État. L’assurée doit fournir une contribution annuelle de 3 500 francs CFA à une mutuelle à laquelle l’État ajoute à chaque fois 3 500 francs CFA. Ce dispositif permet au participant d’être couvert à hauteur de 80 % de tous ses frais de santé. Il doit simplement régler un ticket modérateur de 20 % du prix de la consultation, de l’acte ou du médicament. Pour que tout le monde puisse accéder à la réforme, une ou plusieurs mutuelles de santé ont été créées dans chaque commune. Avec 552 communes, le Sénégal possède ainsi aujourd’hui plus de 674 mutuelles à base communautaire.
 
Dit comme cela, ça a l’air simple…, mais c’est tout le contraire. Car ces mutuelles sont toutes autogérées au niveau local. Elles se réunissent en assemblée générale, ont un compte bancaire, reçoivent les cotisations. Les couacs n’ont pas tardé et le gouvernement a bien compris que des formations ainsi que l’embauche d’au moins une personne par mutuelle était nécessaire. En 2017, il va ainsi octroyer une subvention spéciale à chaque commune, « en espérant que la mairie prenne le relais à partir de 2018 », dixit le directeur général de la CMU. À l’heure actuelle, 2,2 millions de personnes sont inscrites dans une mutuelle, que ce soit par cotisation ou par enrôlement.
 
Malgré les déboires, Cheikh Mbengue reste optimiste. Le philosophe et anthropologue de formation espère atteindre les 100 % de personnes couvertes autour de 2019. Mais de nombreux obstacles s’annoncent sur sa route. D’abord, le budget de la CMU. S’il a plus que doublé depuis sa création, de 10 milliards de francs CFA en 2014 à 25 milliards en 2017, il demeure encore très loin d’être suffisant pour répondre aux besoins nécessaires d’une année de CMU couvrant 100 % de la population sénégalaise – estimée plutôt à 80 milliards de francs CFA. Deuxièmement, l’offre de soins correspondante doit exister. Ce qui n’est pas le cas actuellement. Pour soigner à plein les près de 15 millions de Sénégalais, le pays manque largement de médecins, sages-femmes, ambulances et infrastructures nécessaires. Assurément une nouvelle ardoise à venir pour le ministère de la Santé.