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DIGRESSIONS SÉCURITAIRES

Par Emmanuelle Pontié - Publié en juin 2018
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Nous ne l’avons pas choisi. Loin de là. Mais, qu’on le veuille ou non, notre quotidien a été totalement révolutionné dans les pays africains qui ont été touchés par le terrorisme ou qui sont supposés prévenir activement d’éventuels attentats. Bamako, Ouaga, et bien d’autres capitales ont totalement changé de visage. Une nouvelle vie s’est imposée, au milieu des armes et des treillis. Les contrôles se sont multipliés, dans les aéroports, sur les routes, les lieux publics, les aires de loisirs. Plus aucun événement ou cérémonie ne se prépare sans que le volet sécurité ne soit pris en compte. Les restaurants sont hermétiquement fermés et les clients doivent passer par des sas équipés de portiques et d’agents assignés à la fouille. Les hôtels, dont les entrées sont hérissées de portails géants ou de plots en béton, sont devenus inaccessibles aux voitures. Les piscines ou les lieux de détente hors des capitales sont aussi gardés par des hommes en tenue. En ville, les gens s’interrogent. Est-ce vraiment utile, vu que les attentats perdurent et semblent déjouer les dispositifs mis en place ? Est-ce conçu pour d’abord rassurer les populations ? Souvent, on assiste à des mouvements d’humeur de citoyens, agacés par les fouilles et les passages de détecteurs qui les retardent pour un rendez-vous… Certes, aucune mesure de sécurité, nulle part dans le monde, n’est efficace à 100 %. Mais elles sont toutes, au minimum, dissuasives, et permettent certainement d’éviter bon nombre d’exactions. Elles sont toutes plus rassurantes qu’inquiétantes pour les habitants ou les visiteurs, qui ont ainsi le sentiment que les pouvoirs publics sont en alerte, gèrent. Et bien entendu qu’il faut accepter de marcher sous un soleil brûlant pour arriver à la porte de son hôtel ou encore de patienter en file indienne dans son véhicule lorsqu’il y a un contrôle à la sortie de la ville. Évidemment qu’il faut se plier à ces contraintes, voire se réjouir qu’elles existent. En revanche, ce qui est insupportable, c’est que ce bouleversement profond et durable de nos quotidiens africains est une vraie victoire du terrorisme, une véritable mise en coupe réglée de nos vies au jour le jour par Al-Qaïda, Boko Haram et autres mouvances du même acabit qui prospèrent dans la région. En attendant que nos États fragiles se dotent enfin des moyens financiers et humains suffisants, de services de renseignements performants, capables d’éradiquer les attaques meurtrières en amont. Au-delà de la multiplication des plots, des détecteurs et des sas de fortune…