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Blues rock

L’Afrique électrique de Mdou Moctar

Par Sophie Rosemont - Publié en juin 2021
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Le musicien (en noir) entouré de son groupe. DR

Avec son nouvel album enthousiasmant, le GUITARISTE ET COMPOSITEUR TOUAREG de 35 ans confirme qu’il fait partie des artistes sahéliens à suivre.​​​​​​​ 

MDOU MOCTAR, Afrique victime, Matador.
MDOU MOCTAR, Afrique victime, Matador. DR

« L’AFRIQUE EST VICTIME de tant de crimes / Si nous nous taisons, ce sera notre fin », affirme-t-il dans son nouvel album. Mdou Moctar sait de quoi il parle, lui, le natif d’Agadez, village perdu au cœur du désert nigérien. Lui, l’un des jeunes héritiers du patrimoine touareg, qui a grandi en écoutant aussi bien la musique traditionnelle que le hard rock d’Eddie Van Halen. Et sa musique, il l’incarne en tamasheq (langue touarègue).

En 2015, Moctar illuminait le premier film touareg, Akounak Tedalat Taha Tazoughai (« Pluie de couleur bleue avec un peu de rouge » en français), remake décalé du Purple Rain de Prince réalisé par Christopher Kirkley. Il s’agissait de retracer le parcours de ce jeune guitariste passionné qui affrontait bien des obstacles pour vivre de sa musique. De quoi se faire connaître au-delà des frontières et, en 2019, sortir un premier album studio, Ilana : The Creator. Enregistré avec son groupe de scène (le bassiste Mikey Coltun, le guitariste rythmique Ahmoudou Madassane et le batteur Souleymane Ibrahim), il démontre la fièvre rock dont il est capable. Depuis, même des créateurs de mode comme Virgil Abloh ne jurent que par lui.

Aujourd’hui, Afrique Victime enfonce le clou de ses velléités punk, loin d’être incompatibles avec l’électrique contagieuse qui résonne lors des fêtes de mariages d’Agadez. Entre morceaux sous tension (« Chismiten », «Asdikte Akal ») et ballades brillant par la simplicité de leurs mélodies (« Ya Habibti », « Tala Tannam »), il bénéficie de l’expertise sonore de Mikey Coltun, à la production, et d’Ahmoudou Madassane, qui a également lancé le premier groupe révolutionnaire rock touareg, Les Filles de Illighadad. Guère étonnant si Moctar se range du côté de l’égalité des sexes ici. Il raconte l’amour, la célébration, son admiration pour le grand Abdallah ag Oumbadougou, la religion mais aussi la révolte, les stigmates coloniaux. Un besoin irrépressible de liberté habite cet album qui, contrairement à ce que son nom indique, clame haut et fort la puissance sacrée du continent africain.