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Une image, une histoire

MUNDIAL 1978
TUNISIE-MEXIQUE : 3-1

Par HEDI DAHMANI - Publié en juillet 2016
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LA PHOTOGRAPHIE OFFICIELLE D’UNE ÉQUIPE DE FOOT POSANT DURANT UNE POIGNÉE DE SECONDES a rarement d’importance historique… avant le début d’une rencontre. Ce n’est qu’au terme du match que, parfois, les joueurs entrent dans la légende et donnent au cliché une valeur nouvelle, surtout quand l’issue est inespérée. En ce 2 juin 1978, à Rosario (Argentine), voici le onze tunisien qui deviendra la première équipe africaine à signer une victoire en Coupe du monde de football.

VENDREDI 2 JUIN 1978. Il est 16h35 lorsque M. Gordon foule la pelouse du stade de Rosario, à 280 kilomètres de Buenos Aires. Dans une dizaine de minutes, devant près de 18 000 spectateurs éparpillés, l’arbitre écossais donnera le coup d’envoi de Mexique-Tunisie. Et à lire et entendre les commentaires depuis le tirage au sort effectué six mois plus tôt, personne ne donne cher de l’équipe africaine, tombée dans le groupe de la Pologne, 3e de la Coupe du monde 1974, et de… la RFA, championne du monde en titre ! Les spécialistes prédisent une débâcle semblable à celle de 1970 : au Mexique, le Zaïre avait encaissé 14 buts – dont un piteux 9-0 face à la Yougoslavie – sans en marquer un seul. En France, la communauté des quelque 500 000 Tunisiens découvre que leur équipe est la seule des seize pays qualifi és qui, humiliant symbole, n’aura aucun match diffusé sur le petit écran. Et dans les jours qui précèdent la rencontre, les commentateurs ne se privent pas de relayer les critiques du légendaire Kevin Keegan : capitaine de l’équipe d’Angleterre non qualifi ée pour le Mundial 78, il critique la présence de la Tunisie, « bien inférieure » à la sélection anglaise.
 
Au même moment, à 10 000 kilomètres de Rosario, il est maintenant 21h40 et c’est un pays aux rues désertes qui retient son souffl e : tous les Tunisiens de 8 à 88 ans ont trouvé place devant un poste de télévision. Mais à la composition des équipes, stupéfaction : le capitaine Attouga, l’un des meilleurs gardiens de but du continent, est relégué sur le banc, l’entraîneur Abdelmajid Chetali lui préférant le jeune Naïli, sa doublure… en club ! De mauvais augure ? Trop tard pour spéculer. M. Gordon siffl e le début de la rencontre. Mexicains et Tunisiens s’observent et s’annihilent pendant presque une mi-temps. Mais une minute avant la pause, une main involontaire du défenseur Amor Jebali offre un penalty aux Mexicains. Ayala le transforme : 1-0. Et c’est le moral dans les chaussettes que les supporters des « Rouge et blanc » voient leur équipe regagner les vestiaires. La Tunisie peut-elle faire mieux qu’égaliser ? Lors des quarante-cinq minutes suivantes, c’est une équipe transfi gurée qui revient sur le terrain. Les actions, patiemment construites, fusent de partout et le Mexique se trouve vite débordé par la furia africaine. Ce ne sont ni un ni deux mais trois buts que les Américains encaisseront, récompenses d’un travail collectif qui verra les deux défenseurs latéraux (Kaâbi, Dhouib) et un milieu défensif (Ghommidh) devenir buteurs d’un jour et parachever la première victoire africaine en Coupe du monde. Dans les jours qui suivront, Kevin Keegan s’excusera publiquement d’avoir critiqué les Tunisiens et saluera leur jeu. Les télévisions françaises annonceront diffuser les deux matchs suivants. Mais, surtout, en résistant face à la Pologne (0-1) et la RFA (0-0) lors de cette campagne d’Argentine, l’équipe tunisienne aura surmonté tout complexe. Et montrera le chemin à suivre à l’Algérie (1982), au Maroc (1986), au Cameroun (1990) et au Nigeria (1994) qui, à leur tour, écriront de belles pages du football africain.