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Ce que j'ai appris

Julia Sarr
La voix est au cœur de sa musique

Par Astrid Krivian - Publié en août 2021
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« Je sens qu’il y a quelque chose de plus grand que moi. »
« Je sens qu’il y a quelque chose de plus grand que moi. » FRED SOUL

Après avoir fait vibrer le Théâtre Antique au festival Jazz à Vienne, la Sénégalaise prépare un nouvel album, entre influences soul, gospel et sonorités de sa terre natale.

Enfant, chaque dimanche, je chantais à l’église protestante où mon oncle était organiste. Puis, quand je suis arrivée en France à 13 ans, mon père m’avait fait remarquer : « Tu connais plus les chansons de la radio que tes leçons d’école ! » J’ai suivi des études de lettres et de communication pour être journaliste. Mais la musique m’a finalement choisie. Avec l’expérience, je sens l’exigence grandissante de cet art, et j’aime ça. Il ne s’agit pas de divertissement, de show-biz.

Mon premier concert, c’était avec Tony Allen. J’avais appris par son guitariste Indy Dibong qu’ils recherchaient une choriste. Je n’avais jamais chanté avec un groupe en live ! J’y suis allée au culot, et ils m’ont fait confiance. Tony a été très paternel, patient, gentil. Il était comme un roi sur sa batterie. J’ai aussi eu l’immense chance de faire les choeurs pour Miriam Makeba et de lui écrire une chanson. J’ai de très beaux souvenirs. Quand elle venait à Paris, elle m’appelait. Elle était comme une petite maman.

On dit souvent que chanter, c’est prier deux fois. Je sens qu’il y a quelque chose de plus grand que moi, qui parfois me donne l’élan de continuer, de faire, quand je suis vidée de mes forces. La spiritualité, c’est au quotidien, c’est la beauté de cette création, notre cheminement, nos doutes aussi, car on a des crises de foi parfois… Si quelqu’un me dit : « Je ne crois pas en Dieu », je lui réponds : « Mais Dieu croit en toi ! » Je prie avant chaque entrée en scène. Je demande à Dieu la force, l’inspiration, la concentration. Je prie pour les membres du groupe, et pour le public aussi, afin qu’il se produise un échange entre nous, une communion.

La voix est un cadeau. Je l’entretiens au quotidien avec des vocalises. Parfois elle me lâche, elle ne va pas là où je voudrais, et pourtant je cherche à la maîtriser. On chante avec son corps. C’est un instrument ingrat : il suffit d’être un peu fatigué pour que la justesse laisse à désirer, d’avoir mal au dos pour que les notes ne soient pas bien tenues. Il faut sans cesse la travailler. Je m’appuie sur la technique quand je ne me sens pas très forte vocalement. Ce mélange de technique, d’expérience, de savoir-faire, de limites et de fragilités fait notre identité artistique.

Les musiques africaines ne doivent pas être enfermées dans un tiroir identitaire. On a le droit de les jouer avec des violons, du piano, on n’est pas assignés à résidence avec le n’goni ou la kora. Dans ma musique, je rends honneur à mes racines, mes influences sénégalaises, mais je me nourris d’autres univers, par exemple le gospel, que j’écoute et je chante.

J’ai été choriste pour des artistes aux univers très différents, de Salif Keïta à Francis Cabrel, en passant par Lokua Kanza et Christophe Maé. Je suis toujours émerveillée par leur expérience, leur charisme. Cette polyvalence et cette diversité ont été une véritable école. Le travail de vocaliste et d’accompagnement est très difficile. Il faut être à l’écoute, disponible et présent à 100 % pour la musique de l’autre, afin de lui donner le meilleur de soi. Je continue à être choriste, j’aime beaucoup cela. Je n’ai sans doute pas un ego surdimensionné qui me ferait dire que jamais je ne ferai de choeurs pour un artiste !