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Expo

L’Afrique s’affiche à La Maison rouge

Par Loraine Adam - Publié en février 2016
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La célèbre galerie parisienne revient sur cent ans de photographies avec une sélection de la collection d’Artur Walther, scénographiée par le curateur Simon Njami.
Depuis sa création, La Maison rouge, haut lieu d’exposition parisien dédié à la scène artistique internationale, met à l’honneur, chaque année, une collection privée particulièrement prestigieuse. Pour cette treizième édition, « Après Eden » rend hommage au collectionneur allemand Artur Walther, 67 ans, reconverti dans la photographie depuis 1994 et qui a réuni le fonds de photographies contemporaines le plus important au monde. En vingt ans, cet ancien financier de chez Goldman Sachs a réuni daguerréotypes, clichés anonymes, historiques et contemporains, mais aussi vidéos, documentaires, revues, cartes postales, albums de famille, images sérielles ou typologiques. L’esprit qui anime sa collection est libre, conceptuel et sans limite, seule compte la quête de la beauté qui l’entraîne de l’Allemagne à l’Asie en passant par l’Afrique. Ainsi, si les archives du couple Becher, pionnier de la photographie conceptuelle, et d’August Sander en constituent l’ADN, elle s’ouvrira ensuite à toutes sources de création sans distinction. Afin de rendre ses œuvres accessibles à tous, l’ancien banquier développera deux complexes muséaux, l’un dans sa ville natale à Neu-Ulm Berlafingen, au sud de l’Allemagne, et l’autre à New York, le Project Space, dans la ville où il vit et travaille. La direction artistique de cette exposition hors normes a été confiée à Simon Njami, qui a sélectionné quelque 800 pièces parmi 4 000 œuvres. Le coorganisateur du premier Pavillon africain à la 52e Biennale de Venise et cofondateur de la Revue noire, explique : « “Après Eden”, c’est l’énonciation d’un monde déchu dans lequel les humains tentent d’inscrire leur trace. Une version païenne de l’histoire d’Adam et Ève chassés du paradis. » Une fiction qu’il organise en huit tableaux : le jardin, la ville, l’identité, le roman, le corps, le masque, les autres et le voyeur. Les premiers pas y sont légers, rythmés par les arabesques parfaites des 120 plantes du portfolio de Karl Blossfeldt (1928). Apparaissent alors les bâtiments industriels que le couple Becher a photographiés pendant quarante ans. Puis, l’Afrique australe avec les stigmates des guerres, des migrations, du colonialisme et de l’industrialisation : les Sud-Africains Santu Mofokeng et David Goldblatt témoignent des effets de l’idéologie, Jo Ractliffe souligne la nature brute et blessée de l’Angola et le photojournaliste Guy Tillim raconte les enfants-soldats. Puis l’on passe à la redécouverte de la photo studio africaine avec Seydou Keïta et les clichés festifs de Malick Sidibé –  tous deux maliens – ou encore le merveilleux The Black Album Photo de Santu Mofokeng… Des regards illustres ou anonymes qui parlent de réalité, sociale, culturelle, économique et morale et qui racontent la puissance d’un combat photographique qui oscille entre urgence, beauté et gravité. Loraine Adam La Maison rouge (Paris), jusqu’au 17 janvier 2016.lamaisonrouge.org