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octobre 2016
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une image, une histoire
LE CLASH SANKARA MITTERRAND
Par Hedi DAHMANI
ARCHIVES JEUNE AFRIQUE
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Automne 1986, Palais présidentiel de Ouagadougou. au retour d’une tournée en guinée, Togo et mali, le chef de l’État français fait une halte au Burkina Faso. Les relations entre les deux pays sont tendues depuis que le jeune colonel Sankara, qui se proclame « anti-impérialiste », en a pris les rênes. Alors, ce soir-là, lors du dîner d’honneur qui réunit les deux dirigeants, il y a comme de l’électricité dans l’air…
SANKARA, bouillonnant en surface. Mitterrand, impassible en apparence. Une mangouste contre un cobra. La jeunesse face à l’expérience. En cette douce soirée à Ouagadougou, le toast porté par chacun des présidents, lors du dîner donné par le dirigeant burkinabè, vire à l’orage. Ce n’est pas un dîner, d’ailleurs. Un ring plutôt, où chacun exprimera sa personnalité profonde. La tension qui s’ensuit a une origine : le retard peu protocolaire de François Mitterrand. Attendu à 21 heures, ce dernier se fait attendre. Il faut dire qu’en ce 17 novembre, à 4 000 km de là, Georges Besse, le PDG de la régie Renault, vient d’être assassiné devant son domicile parisien par le groupe Action directe.
En liaison avec l’Élysée et Matignon, Mitterrand s’enquiert des conséquences. Le voilà qui arrive, enfin. Deux heures de retard. La patience de Sankara a-t-elle atteint ses limites ? Se sent-il offensé ? Sans plus attendre, il ouvre les hostilités. Le discours prévu – que les deux délégations s’étaient échangé au préalable – prend une tournure nouvelle. Après les salutations d’usage, il interpelle personnellement le président (« Au Berri, je crois, votre nom Mitterrand signifie “terrain moyen” ou peut-être “mesureur de grains” ? ») avant, dans de poétiques envolées révolutionnaires, de se faire le porte-parole des Palestiniens, du Nicaragua, des damnés de la terre... Il fustige le capitalisme, les grandes puissances impliquées dans la guerre Iran-Irak (« ces armes-là, sont fournies chaque jour par ceux qui se nourrissent du sang des autres ») et condamne la France pour ses ingérences et pour avoir accueilli en visite Jonas Savimbi et Pieter Botha : « Tous ceux qui leur ont permis de poser ces actes en porteront l’entière responsabilité ici et ailleurs, aujourd’hui et toujours. » Du côté français, on entend les mouches voler. La cour scrute le Sphinx, impavide. Un quart d’heure s’est écoulé depuis que Sankara a pris la parole, et conclu par le désormais traditionnel : « La patrie ou la mort, nous vaincrons ! Merci. » À son tour, Mitterrand se lève. Le discours officiel restera dans sa poche. Il répond point par point durant plus de… 30 minutes. Une improvisation durant laquelle, brillant tribun, il explique et justifie, parfois jusqu’à l’excès, chacune des critiques. Lui aussi explore le terrain personnel, mettant en garde Sankara contre les « excès de sa propre logique », critiquant l’impérialisme de l’URSS (qui entretient d’assez bonnes relations avec le Burkina, en dépit de nombreuses dissensions), lui rappelant son jeune âge pour mieux vanter son expérience : « C’est un homme un peu dérangeant, le président Sankara ! […] Il faut qu’il sache que je suis comme lui, avec trente-cinq ans de plus. Il dit ce qu’il pense, je le dis aussi. » L’honneur est sauf, personne ne perd la face. Malgré cette passe d’armes peu diplomatique, Mitterrand saluera plus tard la fougue de Sankara. En juillet 1987, dans une envolée à la tribune de l’Organisation de l’unite africaine (OUA), ce dernier fustigera dans son á discours de la dette â, la pression exercée par les pays et institutions internationales sur les plus pauvres des pays africains. Les peuples exultent. Les dirigeants ne savent comment réagir. Sankara derange. Un peu. Beaucoup. A la folie. Trois mois après, il sera assassine lors d’un putsch mène par son ami et frère d’armes, Blaise Compaoré.
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