Aller au contenu principal
4 Milliards d'Africains

Le péril démographique et ses conséquences

Par Julien Wagner - Publié en octobre 2016
Share

Au gré des rapports, les prévisions font état de plus de 2 milliards d’Africains en 2050 et peut-être plus de 4 milliards d’ici 2100. Cumulés au changement climatique, ces deux phénomènes font craindre des dangers durables, parmi lesquels la rareté en eau, l’insécurité alimentaire, l’explosion du nombre de réfugiés climatiques ou l’augmentation de la pollution atmosphérique.

La bataille de l’eau

D’ici à peine quinze ans, la demande mondiale en eau pourrait être supérieure de 40 % aux disponibilités de la planète. Les Africains connaissent déjà le problème, ils sont plus d’un tiers à devoir faire face à des stress hydriques au cours d’une année. Phénomène qui ne devrait pas s’arranger à l’avenir. Sous l’effet combiné de la désertification et de l’augmentation de la consommation en eau, 74 % de la population africaine pourrait connaître une carence dans cette ressource d’ici 2040. Le continent ne possède en effet que 9 % des ressources mondiales en eau douce alors qu’il abrite 16 % de la population mondiale (25 % en 2050). Un tiers de la population africaine n’a pas accès à l’eau potable, et presque la moitié des Africains souffre de problèmes de santé dûs au manque d’eau potable. Malgré tout, il demeure difficile de prévoir où et quand les Africains seront le plus confrontés au stress hydrique, tant le réchauffement peut induire selon les régions une hausse des précipitations ou une aridification. Par ailleurs, l’eau est très inégalement répartie sur le continent : les six pays les plus riches en eau, situés en Afrique centrale et de l’Ouest, détiennent 54 % des ressources totales ; les 20 pays les plus pauvres n’en détiennent que 7 %. Une inégalité qui fait de la question de l’eau un enjeu critique, pourtant peu discuté durant la COP21, et que de nombreux pays sahéliens aimeraient voir à l’ordre du jour de la prochaine COP22.

Vers une explosion des réfugiés climatiques ?

Démographie galopante, rareté en eau, insécurité alimentaire, catastrophes naturelles… Ce cocktail pourrait aboutir à une recrudescence importante des écoréfugiés. Depuis 2008, chaque année en moyenne, 26,4 millions de personnes dans le monde ont dû quitter leur domicile à cause des dérèglements climatiques. D’après l’ONU, on pourrait en dénombrer 250 millions en 2050. Et si l’Afrique n’a représenté en moyenne que 9 % des « exilés écologiques » depuis dix ans (87 % en Asie), l’ONU prévoit qu’à elles seules, les pénuries d’eau entraîneront le départ de 24 millions d’Africains de leur foyer d’ici 2030. Au Niger, au Tchad, au Soudan et au Soudan du Sud, les inondations saisonnières provoquent déjà d’importants mouvements de population. Pour le moment, les déplacements de ce type de réfugiés restent encore très majoritairement internes aux pays concernés, mais les ONG alertent sur un « éclatement imminent des frontières ». Si ces différents scenarii devaient se confirmer, les régions plus humides et où l’agriculture est plus aisée pourraient devoir accueillir des millions de personnes à l’avenir.

L’insécurité alimentaire en question

L’une des premières conséquences d’un manque d’eau sera la chute des rendements agricoles. En Afrique, 95 % des terres cultivées dépendent de l’agriculture pluviale. Et malgré l’urbanisation rapide, plus de 64 % de la population demeure rurale. Dans certaines zones, comme en Afrique occidentale, 80 % des emplois dépendent du secteur agricole. Or, la rareté en eau n’est pas le seul risque que fait peser le dérèglement climatique sur les récoltes. L’élévation de la fréquence des tornades et surtout des inondations est dévastatrice. L’augmentation de la concentration en CO2 dans l’atmosphère nuit aux cultures qui y sont sensibles, comme le soja ou l’arachide. Enfin, la hausse du niveau des mers menace l’agriculture dans les pays avec de grandes étendues de terre à très basse altitude, comme le Nigeria ou l’Égypte. Pour ne rien arranger, une récente étude publiée par Nature Climate Change révèle qu’en Afrique, du fait du réchauffement, le temps qui s’écoule entre la plantation et la moisson devient de plus en plus court. De sorte que les plantes ont moins de temps pour accumuler de la biomasse, impactant d’autant les rendements. Malgré les incertitudes sur la fiabilité des modèles, les études réalisées témoignent en moyenne d’une baisse future de 10 % des rendements agricoles en Afrique dans le cas où la température s’élèverait de 2 °C. Cumulées à un doublement ou un triplement de la population sur le continent, ces prévisions font craindre un retour des grandes famines.

Aggravation de la pollution

Les projections démographiques promettent la naissance d’une gigantesque mégapole allant de Lagos à Abidjan. Nouvel éden ? Pas si sûr. Car qui dit hommes en nombre, dit pollution atmosphérique. « C’est une conséquence inévitable, estime Cyrille Flamant, chercheur au CNRS spécialisé en aérologie. D’autant que de nombreux Africains se chauffent toujours au bois, ce qui augmente les émissions probables de CO2 dans l’atmosphère. Il faut ajouter l’accroissement de l’activité industrielle et portuaire, d’Accra à Libreville et, bien entendu, l’extraction continue d’hydrocarbures. »

Entre une démographie explosive, une urbanisation massive et une déforestation anarchique, Cyrille Flamant prévoit un « triplement de la pollution d’origine anthropique entre 2000 et 2030 en Afrique de l’Ouest». Dacciwa (Dynamics aerosol chemistry cloud interactions in West Africa), le programme de recherche lancé cette année, auquel participent le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Nigeria, se concentre justement sur l’analyse de l’air atmosphérique dans le golfe de Guinée. D’après les premiers éléments recueillis : « L’air le long du golfe de Guinée est un mélange complexe et unique de différents gaz et d’aérosols d’origine naturelle et humaine provenant des vents de mousson chargés de sel de mer, des vents sahariens [...], des feux de forêts [...], des décharges à ciel ouvert [...], des cohortes de tankers [...], des plateformes pétrolières et d’un parc automobile vieillissant.» Peu réjouissant... Et dans vingt ans ?