Aller au contenu principal
ÉCONOMIE

Les secrets de la résilience

Par - Publié en avril 2016
Share

Pour faire face au choc pétrolier et au coût de la guerre contre la secte islamiste, le Cameroun tire avantage de ses activités diversifiées.

«Le Cameroun fait face à des défis importants, en raison notamment de la baisse des prix de ses exportations de pétrole, ainsi que des défis sécuritaires dans l’Extrême-Nord. Toutefois, il continue d’afficher de très bons résultats, avec une croissance à presque 6 % au cours des deux dernières années. Sous l’effet d’une forte augmentation de la production pétrolière et d’un nouvel accroissement de l’investissement public, le pays fait preuve d’une bonne résilience. Cette performance contraste avec les projections de croissance d’environ 2 % pour la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) dans son ensemble. » En visite le 7 janvier, Christine Lagarde, directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), n’a pas tari d’éloges à l’endroit des autorités et de la communauté des affaires du Cameroun qui, malgré la morosité de la conjoncture économique internationale et les dépenses importantes induites par la guerre contre les terroristes de Boko Haram, ont pu maintenir un tel taux de croissance du PIB. Une résilience également saluée quelques semaines plus tôt par le président Paul Biya, lors de son message de vœux à la nation du 31 décembre 2015 : « Dans cet environnement international défavorable, notre économie a su résister. Elle a maintenu ses prévisions de croissance à 6 %, avec une inflation limitée à un peu moins de 3 %. Ni les dépenses supplémentaires occasionnées par l’effort de guerre contre le terrorisme, ni même les perturbations de l’activité économique dans les zones attaquées n’ont pu nous empêcher d’atteindre nos objectifs. […] Je dois d’ailleurs mentionner que cette croissance a permis à notre économie de générer, jusqu’à fin novembre 2015, 337 660 emplois nouveaux contre 283 443 l’année dernière », se réjouissait alors le chef de l’État.

Sur les raisons de la résistance de l’économie nationale aux chocs extérieurs, les analystes sont unanimes quant aux vertus de la diversification de ses sources de croissance. En menant une politique de développement de plusieurs secteurs de l’économie, tirant ainsi les leçons des premières périodes de crise d’il y a trente ans, les autorités se sont ainsi donné les moyens d’échapper à la dépendance au pétrole. Les récents indicateurs présentés au Parlement par le gouvernement en vue de l’adoption du budget 2016 montrent que tous les secteurs de l’économie nationale ont connu une croissance notable. Ainsi, malgré la chute des cours, le PIB pétrolier passe de 8,5 % à 13,9 %, en raison de la forte hausse de la production quantitative, elle-même consécutive aux nouveaux investissements dans l’activité. Pour le secteur secondaire, cette performance de l’activité extractive est complétée par le dynamisme du BTP. Ces dernières années, les grands chantiers lancés dans les domaines portuaires, ferroviaires, énergétiques et technologiques ont permis de maintenir un niveau soutenu d’investissements publics et privés, et de générer de nombreux emplois. Même tendance dans le secteur primaire avec la vitalité de la production agricole et une progression de près de 10 % de l’activité forestière. Les services connaissent eux aussi des performances honorables, avec une forte progression des activités bancaires, des télécommunications et des transports.

PRODUIRE PLUS ET MIEUX

Des indicateurs qui font dire à Louis-Paul Motaze, le ministre de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire, que la résilience du Cameroun s’explique essentiellement par la diversité de son tissu économique et la culture industrieuse de ses populations. « Mais il est nécessaire de renforcer cette diversité économique en produisant plus et mieux, mais aussi en transformant tout ou partie de notre production localement, estime-t-il. Il s’agit donc désormais d’encourager et de soutenir les entreprises de transformation, quelle que soit leur taille. Atteindre l’émergence passe nécessairement par l’industrialisation du pays. Nous ne pouvons pas continuer à exporter des produits bruts, nous devons au contraire tout faire pour pouvoir transformer le plus possible localement nos productions, afin de leur donner plus de valeur à l’exportation, tout en créant davantage d’emplois dans le pays. »

CRÉER UN CLIMAT FAVORABLE

Pour impulser cette dynamique et permettre à l’économie de faire mieux que résister, un préalable est indispensable : l’amélioration du climat des affaires. Des efforts ont été faits ces deux dernières années, non seulement pour faciliter l’implantation des entreprises, mais aussi pour leur permettre un démarrage en souplesse grâce à des exonérations fiscales. Par exemple, la loi de 2013 sur les incitations à l’investissement privé, qui élimine ou allège la fiscalité sur les grandes entreprises, a déjà permis à cinquante-neuf sociétés, dont cinquante-trois grandes et six PME, de bénéficier d’exonérations fiscales et de facilités administratives pour un investissement global d’environ 650 milliards de francs CFA, avec à la clé 21 500 emplois. Pour les structures de plus petite taille, l’exonération de patente pour les deux premières années d’exercice, ainsi que la création de guichets uniques pour les formalités, donnent un bol d’oxygène aux jeunes entrepreneurs. La mise en place de l’Agence de promotion des petites et moyennes entreprises (APME) et de la Banque camerounaise des PME (BCPME), dotée d’un capital de 10 milliards de francs CFA fourni par l’État, vient renforcer la détermination du président Biya à offrir les meilleures conditions pour stimuler l’esprit entrepreneurial. Enfin, l’administration s’oriente également vers la performance, avec l’instauration des déclarations et paiements électroniques dans un nombre croissant de services fiscalo-douaniers et de marchés publics. Bien accueillies par la communauté des affaires, ces réformes attendent néanmoins d’être complétées pour rendre le Cameroun plus attractif encore. Le Cameroon Business Forum, instance de concertation de haut niveau entre les milieux d’affaires et le gouvernement présidée chaque année par le Premier ministre, analyse régulièrement les moyens de poursuivre les réformes structurelles de l’économie et de l’administration.

Ce dialogue soutenu devrait permettre au pays de tirer un meilleur avantage de ses atouts économiques. Pour Marthe Angeline Minja, directrice générale de l’Agence de promotion des investissements (API), qui encadre et accompagne les compagnies étrangères dans leur implantation, il n’y a pas de doute que de plus en plus d’investisseurs choisiront le Cameroun, qui offre un marché potentiel de plus de 500 millions d’habitants : « Par sa situation géographique, il est le seul pays de la région à partager des frontières avec tous les autres États membres de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), ouvrant à l’investisseur un marché de près de 300 millions d’habitants, incluant les pays de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC). Il partage aussi 1 500 kilomètres de frontières avec le Nigeria, un autre marché de 200 millions d’habitants. Investir au Cameroun, c’est donc se retrouver au cœur d’un marché de près d’un demi-milliard d’habitants. Le potentiel agropastoral du pays, sa pluviométrie, son sous-sol et ses ressources humaines réputées pour être bien formées, sont aussi d’autres qualités qui attirent les investisseurs. »