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Mon cher Jean-Karim

Par zlimam - Publié en juin 2017
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Tu nous as quittés d’un coup, comme ça. À Taormina, en Sicile, le 26 mai dernier, où tu étais venu couvrir le sommet du G7 pour France 24. 59 ans. C’est brutal… J’ai appris ton départ, ce jour-là, juste avant d’arriver sur les plateaux de la chaîne, pour une émission de débat. 

Des souvenirs et des images sont remontés. Lors de mes premiers voyages sur le terrain, je te croisais souvent, un aîné de quelques années, avec déjà beaucoup plus d’expérience que moi, et une sorte d’assurance et de calme qui me faisaient largement défaut. Et puis aussi, tu avais déjà ta vraie légende, le côté tout-terrain, le côté baroudeur, 4×4. 

Le journaliste qui bien au-delà de ses airs d’intellectuel et de lettré, avait couvert les premières poussées d’Ebola au Zaïre, suivi le Liberia, et Charles Taylor (dont ton ami, le journaliste Cyril Bensimon, raconte que tu imitais si bien « la voix suave et traînante »), la mise à sac de Kinshasa (en 1991)… Pour moi et d’autres, peut-être plus institutionnels dans le style, tu avais ce côté fascinant du vrai reporter, au « contact »

Longtemps à RFI, donc, avec des postes en Côte d’Ivoire, où tu as été, je crois, le premier à nous informer de la mort de Félix Houphouët-Boigny, et au Gabon, où la gestion d’Omar Bongo n’a pas dû être facile tous les jours… Directeur du fameux, du célèbre, de l’emblématique service Afrique (1996-2012). Puis RFI quitté dans le déchirement avant de rejoindre France 24, où tu avais retrouvé un nouveau souffle. En ouvrant aussi tes perspectives. Tout au long de ces années, ta voix et ton image nous ont accompagnés au rythme des événements d’une Afrique toujours en devenir, souvent convulsive.

Et puis, il y a ce métissage que nous avons en commun, toi enfant d’une mère française et d’un père sénégalais, Kader Fall, qui fut ministre. Cette capacité à appréhender l’Afrique avec le cœur et la passion tout en pouvant s’en détacher, la regarder avec raison, de l’extérieur.

Je ne vais pas faire ici ta « nécro », comme on dit dans notre métier. Des gens beaucoup plus proches de toi, tes collègues, tes amis l’ont fait bien mieux que je ne pourrais le faire. Mais du coup, m’adressant à toi, le journaliste, je voudrais m’adresser à nos lecteurs. 

Le journalisme est essentiel à l’Afrique. La presse et les médias sont essentiels. Nous avons besoin de raconter notre histoire, notre actualité, notre vision du monde. Nous avons besoin aussi d’interpeller nos puissants, nos hommes d’État, nos entrepreneurs, la société civile,  la société tout court aussi, avec ses réussites, ses faiblesses, ses complaisances. Le chemin est difficile. La presse est fragile et il faut se faufiler au mieux entre les intérêts des uns et des autres, tout en cherchant une part de vérité, tout en s’adaptant à un métier en plein bouleversement.

Jean-Karim, tu pars bien trop tôt, mais tu as montré l’exemple, tu as fait ta part du travail. 

À nous de continuer. 

À d’autres aussi de suivre, de venir, de prendre la relève.