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Djibouti

Nabil Mohamed Ahmed

Ministre de l’enseignement supérieur et de la Recherche

Par - Publié en novembre 2019
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Docteur en biologie, natif de la capitale, il est titulaire de ce portefeuille ministériel depuis sa création, en 2011. Cette longue carrière politique n’a pas éteint la flamme du chercheur et de l’universitaire de formation. Pédagogie, organisation des filières, amélioration des contenus, adaptation au marché du travail… À 58 ans, ce passionné est pleinement engagé dans le grand projet éducatif national.
 
AM : Pouvez-vous nous raconter l’histoire récente de l’Université de Djibouti ? Nabil Mohamed Ahmed :
Jusqu’à l’arrivée aux affaires, en 1999, du président Ismaïl Omar Guelleh, nos bacheliers les plus méritants, une quarantaine par an en moyenne, obtenaient une bourse pour poursuivre leur cursus universitaire à l’étranger. En 2000, le chef de l’État décide de créer un pôle universitaire qu’il transforme, six ans plus tard, en université pour répondre à l’arrivée massive de nouveaux bacheliers, conséquence de l’obligation de scolarité jusqu’à l’âge de 16 ans. Faute d’encadrement local, nos enseignants étaient des répétiteurs, déclamant les cours de professeurs d’universités partenaires. En 2011, le président décide d’une montée en gamme. Sur le plan institutionnel, il crée le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Sa feuille de route ? Élargir l’offre de formation, améliorer la qualité de l’enseignement et renforcer les capacités de nos enseignants. Cette année-là, notre encadrement, toutes filières confondues, était constitué de 18 docteurs. On en recense aujourd’hui 80, et 45 doctorants.
 
Qu’entendez-vous par élargir l’offre de formation et améliorer la qualité de l’enseignement ?
 Nous étions dans une logique de formation-emploi. Un Djiboutien entamant un cursus universitaire était promis à un poste dans la fonction publique. Avec la progression des effectifs, cela n’était plus tenable. Il fallait s’adapter à la réalité du marché de l’emploi et aux besoins spécifiques de notre économie basée sur les services, la logistique et les transports.
 
Des filières essentiellement techniques…
 Pas seulement. La technicité est parfois insuffisante. Nous avons compris que nos diplômés étaient recalés lors des recrutements dans les ports et les zones franches. Leur handicap ? Avoir été formés en langue française. Or, le commerce international utilise exclusivement l’anglais. C’est pourquoi notre faculté d’ingénieurs, depuis sa création en 2013, dispense la totalité de son cursus dans cette langue.
 
Sur quelles filières mise l’Université de Djibouti pour préparer l’élite aux défis du futur ?
 Notre pays a investi dans des méga-infrastructures dont la vocation est d’être pilotées par des microstructures. Notre objectif est de consolider l’attractivité de nos installations en ajoutant une plus-value à l’offre de services de Djibouti. Nous misons sur le numérique appliqué à la logistique et aux transports. Grâce à un appui financier de la Banque mondiale, un centre d’excellence a été mis en place. Outre sa vocation pédagogique, cette structure deviendra, à terme, un incubateur de jeunes talents et de chercheurs, qui développent des applications numériques visant à améliorer la gestion des services, de la logistique et des transports.
 
Quelle est la représentativité de la gent féminine dans la sphère universitaire à Djibouti ?
 Je suis très fier de voir que dans mon pays, la parité est quasi parfaite dans le milieu universitaire. Il y a certes un léger gap de 51 % d’étudiants contre 49 % d’étudiantes, mais ces dernières monopolisent les meilleures notes et ce, dans les filières littéraires, techniques et scientifiques. La performance est peu banale quand on connaît l’héritage socioculturel de Djibouti.
 
Comment décririez-vous le quotidien des étudiants ?
 De nombreux visiteurs étrangers sont surpris par les conditions d’accueil de nos élèves. Nos amphis sont suffisamment spacieux pour que chaque étudiant dispose d’une place lors des cours magistraux. Nos laboratoires sont équipés d’outils pédagogiques ultra-performants. Nos bibliothèques disposent de plus de 35 000 ouvrages scientifiques, dont près de 20 000 ont été numérisés. Cela dit, il y a un élément que nous n’avons pas encore solutionné : l’accueil des étudiants venus des régions de l’intérieur.
 
Combien sont-ils dans ce cas ?
 Nous sommes heureux de constater la progression du taux de réussite de nos élèves des régions. En 2019, sur un effectif de 10 000 étudiants, 3 000 viennent des villes de l’intérieur. Ils sont hébergés par leurs proches, le plus souvent aux revenus modestes. Le président de la République a décidé d’accorder aux plus indigents d’entre eux une aide sous forme de tickets repas qui leur permet de prendre quotidiennement un petit-déjeuner et deux repas dans des restaurants de la capitale. Par ailleurs, le transport des quartiers de la capitale vers les sites de l’université leur est assuré gratuitement par un système de ramassage par bus.
 
Qu’en est-il de la recherche ?
 Le Centre d’études et de recherche de Djibouti (CERD) accomplit un travail considérable et se penche sur les questions actuelles : les problèmes de l’environnement, la désertification, l’anthropologie, l’archéologie… La recherche est au centre de l’intérêt du président Ismaïl Omar Guelleh. En février 2019, il a inauguré un laboratoire high-tech dédié à la minéralogie [voir l’encadré sur Nima Moussa, plus loin]. Personnellement, je travaille sur un projet d’observatoire est-africain sur les changements climatiques. Nous nous sommes rendu compte que l’Afrique et, plus particulièrement sa partie orientale, ne disposait d’aucune structure capable d’établir des données pour analyser l’impact des changements climatiques sur les économies et le quotidien des populations. En mars 2020, Djibouti devra accueillir un colloque réunissant de nombreux experts africains et internationaux autour du thème « Science et paix ». Qui mieux que notre pays de paix pouvait organiser une telle manifestation scientifique, qui servirade baptême à cet observatoire régional ? Le mérite en revient au président Guelleh, qui ambitionne pour son pays le rôle de leader dans la collecte des données devant permettre une meilleure maîtrise de la question du changement climatique, dossier qu’il compte soumettre à ses pairs de l’Union africaine (UA).