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Ce que j'ai appris

Omar Sosa
L’Afrique est la mère de l’humanité

Par Astrid Krivian - Publié en juin 2021
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Omar Sosa
« L’Afrique est la mère de l’humanité. Que nous soyons européens, asiatiques, etc., nous devons lui rendre hommage. »PAOLO TARANTINI/AMANERA PHOTO

Le pianiste cubain poursuit  l'exploration de ses racines dans son nouvel album. Cette pérégrination spirituelle l’a mené dans l’est du continent, métissant son jazz avec des musiciens traditionnels.

Ma tournée en Afrique de l’Est, en 2009, m’a permis de réaliser mon rêve : enregistrer un disque avec des musiciens traditionnels sur leur terre natale. Je tenais à mettre en avant les voix et les instruments à cordes, car les musiques africaines ne se limitent pas aux percussions et aux danses. L’Afrique est l’un des continents les plus riches dans le domaine de l’art et de la musique. Un seul village réunit de multiples coutumes et dialectes. Nous avons réalisé An East African Journey avec beaucoup d’humilité, d’amour, un grand respect envers ces belles et précieuses traditions. Le résultat ne peut être que positif.

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An East African Journey, MDC/Pias.DR


Mon âme et mon esprit me demandent : crée cette musique, s’il te plaît ! Elle vient à moi. Je n’ai aucun contrôle sur cette énergie qui jaillit. La musique est une spiritualité. Ces voix et ces sons nous réunissent et établissent une connexion avec notre monde ancestral et spirituel. Nous saisissons les messages à travers la musique. Alors, nous avons le sentiment d’appartenir à un même peuple, au-delà de notre couleur de peau. L’esprit guide nos vies. C’est donc important de le cultiver dans la lumière, et de le sortir de l’obscurité.


À travers ma musique, j’explore mes origines africaines et me rapproche de mes ancêtres. Cuba est une province de l’Afrique ! De même que Salvador de Bahia, au Brésil, la Nouvelle-Orléans, aux États-Unis...Les traditions du continent y sont toujours vivantes. L’Afrique est la mère de l’humanité. Que nous soyons européens, asiatiques, etc., nous devons lui rendre hommage. Lors de mon initiation à la santería [religion cubaine d’origine yoruba, ndlr], mon parrain spirituel m’a confié que j’avais une mission. Quelques années plus tard, j’ai compris en quoi elle consistait : apprendre les traditions musicales africaines et les faire entendre au monde. Elles constituent ma voix, la source de mon expression artistique.


Le piano est une entité spirituelle qui ne te trahira jamais. Il est toujours prêt à recevoir, à répondre à tes questions. Il fait de moi l’être parmi les plus heureux du monde grâce à sa belle énergie féminine. Et nous en avons vraiment besoin aujourd’hui pour une vie plus paisible, plus tolérante. L’énergie machiste a détruit la planète ! Je préfère ne pas être énervé face à mon piano, car il ne sonnera pas bellement.


Frédéric Chopin, Erik Satie, Randy Weston, Thelonious Monk sont mes quatre points cardinaux. Mais j’ai également tant d’autres héros : Chick Corea, Aretha Franklin, Tupac Shakur, « Papa » Manu Dibango... Nous sommes le fruit métissé de toutes ces voix. Même lorsque l’on joue seul, une multitude d’esprits, de messages nous accompagne. Si nous les écoutons et essayons de les comprendre, elles donneront naissance à notre propre voix. C’est un accomplissement très important dans cette vie de la faire entendre.


Nous sommes tous frères et sœurs, et nous devons nous respecter. Nous avons besoin de vivre en harmonie, combattre le racisme, les classes sociales, tout ce qui rend ce monde malade. C’est ce que j’exprime avec ma musique : on peut être ensemble, partager le même repas, s’écouter. Nous devons être plus humbles. L’être humain est devenu si arrogant. Il conçoit sa vie ainsi : ma voiture, ma famille... Or, le nous est essentiel.