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Résilience, croissance, et ambitions

Par DOUNIA BEN MOHAMED - Publié en septembre 2018
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En dépit d’une conjoncture parfois difficile, le pays maintient le cap. Les réformes pour accroître la compétitivité s’accélèrent, tout comme les efforts pour soutenir le secteur privé et diversifier l’économie.
 
Si l’éventualité de la candidature du président Alassane Ouattara à un troisième mandat et la tenue des élections locales agitent la classe politique ivoirienne, elles n’auront en rien perturbé le monde des affaires. Pour preuve, le Fonds monétaire international (FMI) a débloqué, fin juin, 112 millions d’euros « pour soutenir l’économie ivoirienne ». Une décision prise à l’issue du rapport « favorable » réalisé par une délégation de l’institution en mission dans le pays. Selon cette étude, la Côte d’Ivoire a répondu à un certain nombre de critères en matière de maîtrise des dépenses publiques et de bonne gestion. « Le déficit budgétaire ivoirien a été contenu l’année dernière et le FMI juge que les autorités sont sur la bonne voie pour y parvenir à nouveau cette année, avec une prévision autour de 3,75 % du PIB », peut-on lire dans le rapport. 
 
Avec des perspectives de croissance autour de 7 % pour les cinq prochaines années, la Côte d’Ivoire reste un investissement rentable et d’autant rassurant qu’elle a montré la résilience de son économie. En dépit de la chute des cours des matières premières, le cacao notamment – principal produit d’exportation du pays, premier producteur mondial –, qui a connu une décote de l’ordre de 40 %, contraignant les autorités à revoir à la baisse le budget de l’année 2017. Les revendications des fonctionnaires et des militaires également, à travers le versement de primes et les augmentations salariales. Et pourtant, la croissance a bien résisté, 7,8 % en 2017 selon les autorités nationales. Une résilience portée par la maîtrise budgétaire et les investissements publics qui restent le moteur de la croissance dans un pays toujours en phase de reconstruction postconflit. Les chantiers de l’« émergence » se multiplient : ponts, autoroutes, voies ferrées, écoles, hôpitaux, usines… Alors que le Plan national de développement (PND) 2016-2020, feuille de route des actions du gouvernement, a enregistré un taux d’exécution des engagements de 38 % dès la première année et un taux d’investissement privé de 70 %.
 
Moteur de l’UEMOA
Cette modernisation des infrastructures séduit les partenaires au développement comme les investisseurs internationaux. L’économie ivoirienne se positionne comme l’une des plus attractives au sein de la sousrégion ouest-africaine. À lire le dernier classement Africa Investment Index (AII) publié le 26 mars 2018 par Quantum Global Research Lab, la Côte d’Ivoire est l’économie la plus attractive pour les investissements directs étrangers (IDE) de l’Union économique et monétaire ouestafricaine (UEMOA). Classée au 5e rang au niveau continental, la Côte d’Ivoire possède, selon la société d’investissements et de conseils suisse, « la croissance la plus rapide d’Afrique ». Une attractivité qui s’explique aussi par des « résultats relativement bons aux plans de la liquidité et facteurs de risques, comme le taux d’intérêt réel, le risque de change et le ratio de la balance courante ».
En route pour l’émergence, confirmée par cette embellie économique, la Côte d’Ivoire ambitionne de se hisser dans le top 50 des meilleures économies mondiales d’ici 2019. Et pour ce faire, les autorités multiplient les réformes en vue d’améliorer l’environnement des affaires et attirer les investissements. À cet effet, les mesures pour dématérialisation de l’ensemble des services et actes administratifs devraient faciliter davantage la vie aux entreprises.
 
Un environnement des affaires assaini
Le dernier rapport « Doing Business » du Groupe de la Banque mondiale, publié le 31 octobre 2017, a salué l’amélioration du climat des affaires avec une progression de trois rangs. Selon le rapport, l’économie ivoirienne est classée au 139e rang des espaces où il fait bon de faire des affaires dans le monde. Globalement, la Côte d’Ivoire a fait un bond en avant en ce qui concerne la réglementation puisqu’en matière de distance à la frontière, le pays est passé de 51,67 à 53,71 points sur 100. Soit les fruits des actions menées par le Centre de promotion des investissements en Côte d’Ivoire (CEPICI). Lequel se réjouit de la solidité des entreprises nationales. Selon le récent rapport de suiviévaluation des investissements privés réalisé par le CEPICI, 86 % des entreprises agréées en 2013 au code des investissements poursuivent leur activité pour un volume global de 1 317 millions d’euros d’investissements effectivement réalisés dans la période 2013- 2015. Ces chiffres représentent 189 % du volume d’investissements prévisionnels et 6 915 nouveaux emplois dont 95 % en faveur des nationaux, conformément à la politique du gouvernement ivoirien, déterminé à créer des champions nationaux. En 2013, le taux de mortalité des entreprises agréées s’élevait à 2,6 %, le CEPICI vise désormais 0 %.
Si le FMI salue les investissements réalisés par l’État ivoirien dans les infrastructures et les efforts consentis pour le renforcement du système financier local – à travers la restructuration des banques publiques et de la Société ivoirienne de raffinage –, et classe la Côte d’Ivoire parmi les pays préémergents de l’Afrique subsaharienne, l’institution financière invite la Côte d’Ivoire à poursuivre ses efforts dans l’amélioration de l’environnement des affaires pour augmenter les investissements privés et renforcer encore les perspectives de croissance.
« Pour relever le défi de l’émergence, il reste beaucoup à faire » nuance José Gijon, représentant résident du FMI en Côte d’Ivoire, invitant Abidjan à améliorer son système fiscal. « La clé pour la Côte d’Ivoire est le revenu. Le gouvernement doit créer un espace budgétaire suffisant s’il veut devenir un pays émergent et pour cela, il a besoin de revenus plus élevés. » Un défi dont les autorités sont conscientes. Pour le relever, elles ont entrepris la dématérialisation de la procédure de paiement d’impôts. Depuis janvier dernier, les petites et moyennes entreprises peuvent déclarer et payer ceux-ci en ligne. De même, les particuliers devront pouvoir payer prochainement leurs impôts grâce à leurs téléphones portables. L’objectif pour le gouvernement : augmenter les recettes fiscales de 15 % en 2017, à 20 % du PIB en 2020. En attendant, la chute des cours du cacao et les tensions sociales rencontrées l’année dernière ont rappelé à la Côte d’Ivoire l’urgence d’accélérer la transition de son économie, encore trop dépendante de l’exportation des matières premières. Cela passe par l’industrialisation notamment de ses secteurs majeurs, l’agriculture en premier lieu, qui a été amorcée. Le poids du secteur primaire dans le PIB est passé de 24 % en 2010 à 22 % aujourd’hui. Il devrait représenter 17 % de l’économie en 2019- 2020. Alors que le secteur secondaire, lié aux industries, qui était à 22 % en 2010, est passé à 25 %, avec une projection en 2019 à 30 %. Enfin, le secteur tertiaire reste stable : 33 % en 2010 et 31 % en 2015 pour une projection à 34 % en 2020, porté notamment par l’essor des nouvelles technologies de l’information et de la communication dans le pays. Une nouvelle répartition qui confirme l’accélération de l’industrialisation du pays. Autre enjeu majeur, la poursuite de sa politique sociale en faveur des plus fragiles dans les domaines de l’éducation, la santé, l’accès à l’eau, l’électricité, le logement, etc. D’importants chantiers sociaux ont été entrepris. Les dépenses en faveur des plus pauvres, notamment dans les secteurs de la santé et de l’éducation, sont passées de 1,65 million d’euros en 2012 à 3,16 millions en 2017. Mieux, le pays a enregistré une progression record de 60 % de son PNB (produit national brut) entre 2012 et 2017. L’école est désormais gratuite et obligatoire jusqu’à 16 ans.