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Côte d’Ivoire

Un nouveau départ

Par zlimam Alexandra Fisch - Publié en mars 2020
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Avec l’arrivée au pouvoir d’Alassane Dramane Ouattara en mai 2011 et après deux décennies de crises multiples, le pays retrouve le chemin de l’unité et de l’ambition.

On ne mesure peut-être pas aujourd’hui les défis auxquels a dû faire face la Côte d’Ivoire début 2011. À cette époque, elle est exsangue, épuisée par une double décennie de crises. Le décès du président Félix Houphouët-Boigny, le 7 décembre 1993, ouvre une séquence de profonde instabilité. Elle est affaiblie par la récession économique, la montée de la dette, le manque de réformes, ainsi que par la promotion du concept d’« ivoirité », selon lequel certains citoyens seraient plus ivoiriens que d’autres. Une politique dangereuse qui vise essentiellement à exclure du champ électoral Alassane Dramane Ouattara (ADO) et ses partisans réunis au sein du Rassemblement des républicains (RDR). Et contenir la supposée « influence des élites du Nord ».

NABIL ZORKOT.Le siège de la Banque africaine de développement (BAD), à Abidjan.
Le président Henry Konan Bédié est destitué par le fameux coup d’État de Noël, en décembre 1999. Et Laurent Gbagbo accède au pouvoir en octobre 2000. En septembre 2002, le pays est coupé en deux à la suite de la rébellion qui conduit à la partition du territoire entre 2002 et 2011, et à l’installation de l’Opération des Nations unies (Onuci) en 2004. Cette dernière a pour mission de faire appliquer les accords Kléber pris à Linas-Marcoussis, en France, un an auparavant. La crise atteint son apogée avec l’élection présidentielle de novembre 2010, reportée à plusieurs reprises depuis 2005. Laurent Gbagbo refuse de reconnaître la victoire d’Alassane Ouattara, alors élu avec 54,1 %. Le peuple est secoué par les agitations jusqu’à la prise de fonction de ce dernier en mai 2011. « Ni guerre, ni paix » résume en peu de mots la fragilité de la nation à l’investiture du nouveau président, qui hérite d’un pays très affaibli, traumatisé par les violences, comme coupé du reste du monde. L’économie est à l’arrêt. Les armes circulent, les checkpoints sont nombreux. L’administration est disloquée. Abidjan et les autres agglomérations sont délabrées, menacées de coupure d’eau ou d’électricité. Tout est à reconstruire.

RÉINVESTIR LE TERRITOIRE
L’État, pour pouvoir fonctionner, doit réinvestir le territoire. Les fonctionnaires, dans une grande majorité, ont dû abandonner leurs postes, les locaux ayant été dégradés. La mission du nouveau gouvernement est de stabiliser l’administration et de se réinstaller. En remettant en place les préfets, mais aussi les sous-préfets, en responsabilisant les autorités et les chefferies traditionnelles. Et en rouvrant les écoles. L’ensemble des services publics gagne progressivement l’intérieur du pays.
Dès 2012, le maintien de la sécurité est assuré par le désarmement des milices armées. Soutenus par l’ONU, des accords ont été signés par les forces ex-belligérantes pour des opérations de désarmement, de démobilisation, de réinsertion des combattants des Forces armées des forces nouvelles (FAFN) et des Forces de défense et de sécurité (FDS) recrutés après le 19 septembre 2002. Ainsi, les militaires en exercice avant cette date devront regagner leurs casernes. La gestion de ce programme est confiée à une agence unique, l’Autorité de désarmement, de démobilisation et de réintégration (ADDR). Créée pour une durée de trois ans, celle-ci résultait d’une volonté présidentielle affirmée et était assortie d’un conseil national de sécurité, qui publiait les stratégies à suivre et définissait les objectifs. En 2017, les autorités ont présenté à l’ONU un bilan assez positif du dispositif. L’ADDR a aujourd’hui laissé la place à une structure plus adaptée, la Cellule de coordination, de suivi et de réinsertion (CCSR).
Le rétablissement de la sécurité et de la paix civile a été un préalable indispensable pour redresser la situation. Il a fallu protéger les frontières du pays, restaurer l’autorité de l’État et la cohésion nationale. Ce retour rapide des fonctions régaliennes a également nécessité d’importants travaux d’infrastructures sur le long terme tout en remédiant aux besoins immédiats, souvent vitaux, de la population.
En 2012, l’urgence est à la réhabilitation des équipements de base, dont la vétusté pénalise l’économie et handicape gravement les citoyens dans leur vie quotidienne. Abidjan manque d’eau, les risques épidémiques sont réels. Le Programme présidentiel d’urgence (PPU) a permis d’utiliser des circuits directs de passation des marchés. Et d’enclencher les actions au plus vite. Le plan concerne de nombreux domaines, mais surtout la réfection des installations indispensables : les routes et les pistes, l’accès à l’eau potable et à l’électricité, la santé, l’éducation, la salubrité urbaine, l’agriculture…
 
DÉVELOPPER LA COHÉSION SOCIALE
Le PPU a ainsi participé activement à la cohésion sociale. Très rapidement, la capacité en eau de la capitale économique a été doublée. Par ailleurs, la construction de nouvelles voies à l’intérieur du territoire a favorisé la circulation des biens et des personnes. Mais il a aussi fallu répondre aux problèmes d’approvisionnement alimentaire, rétablir les circuits commerciaux. Les visites présidentielles dans toutes les régions ont permis d’évaluer ces urgences. Le volume du plan a atteint plus de 700 milliards de francs CFA. Ce projet a également ouvert la porte à des programmes nettement plus ambitieux de restauration de la compétitivité, d’investissements dans les infrastructures, portée par le PND 1 (Plan national de développement) et le PND 2.
En tout état de cause, la présidence d’Alassane Ouattara marque un véritable changement. En moins d’une décennie, la Côte d’Ivoire a retrouvé de l’unité et de l’ambition. Elle s’est lancée sur le chemin d’une croissance accélérée, et s’est aussi inscrite sur la voie d’un fonctionnement institutionnel normal. Le scrutin présidentiel de 2015, qui a vu la réélection confortable d’ADO, a confirmé ce processus de remise en marche.

En 2016, une nouvelle constitution a éliminé les « clauses identitaires » et introduit un nouvel équilibre des pouvoirs. Tout n’est pas parfait. La dette du passé est lourde. Les blessures ne sont pas entièrement refermées. Mais cette sortie de l’abîme, cette reconstruction de la nation, ce retour à la paix et à l’ambition n’étaient pas acquis. Loin de là.


LES IVOIRIENS EN 2010
Population: 20,4 millions 
Population urbaine: 47,3 % 
Espérance de vie: 50 ans (F), 48 ans (H) 
Indice de développement humain: 35e en Afrique, 170e dans le monde 
Taux de pauvreté: 51 % 
Croissance démographique: 2,59 % par an
Taux de mortalité infantile (pour 1 000 naissances vivantes): 84,6
Taux de scolarisation en primaire: 64,8 (F)/79,4 (G)
Sièges occupés par les femmes au Parlement: 8,9 %
Personnes utilisant Internet: 2,7 %
Taux d’homicides (pour 100 000 personnes): 12,6
Taux d’immigrés: 10,3 %
 
LES IVOIRIENS EN 2018
Population: 25 millions (et plus de 30 millions en 2030)
Population urbaine: 50,8 %
Espérance de vie: 53 ans (F), 50 ans (H)
Indice de développement humain: 35e en Afrique, 165e dans le monde
Taux de pauvreté: 46,3 %
Croissance démographique: 2,59 % par an
Taux de mortalité infantile (pour 1 000 naissances vivantes): 71,6
Taux de scolarisation en primaire: 91,3 (F)/102,1 (G)
Sièges occupés par les femmes au Parlement: 10,6 %
Personnes utilisant Internet: 26,5 %
Taux d’homicides (pour 100 000 personnes): 11,6
Taux d’immigrés: 9 %